3 janvier 2008

Soins de la dépression à travers les âges

Soins de la dépression à travers les âges

I) L’Antiquité

1) 5e et 4e siècle avant J-C

À l’époque d’Hippocrate, célèbre médecin et professeur en médecine, la bile, aussi bien la jaune que la noire, était considérée communément comme liée aux anomalies du comportement. La bile, tant la jaune que la noire, était alors considérée aussi bien que le sang et le flegme, comme l’une des humeurs de base de l’organisme humain, capables d’assurer, aussi longtemps que régnait entre eux un parfait équilibre et l’harmonie, la santé physique et psychique de l’individu. En particulier, la bile noire était décrite comme un liquide sombre, dense, froid et irritant. Lorsqu’elle avait pris le dessus sur les autres liquides, la bile noire pouvait sortir de son siège naturel, s’enflammer, se corrompre et finalement obscurcir l’esprit. La mélancolie, s’étant ainsi produite par excès et altération d’une humeur corporelle, présentait surtout des symptômes psychiques tels que la tristesse, la crainte, l’inappétence, les troubles du sommeil, les hallucinations et les délires. Pour Hippocrate, la cure de la mélancolie consistait à remettre l’humeur en excès en équilibre harmonieux avec les trois autres humeurs organiques. Pour cela, il conseillait un régime hygiénique et diététique adapté, avec la prise de médicaments (comme l’ellébore et la mandragore) car celles-ci, en raison de leurs qualités purgatives et émétiques, pouvait éliminer l’excès de bile noire. A l’époque suivante, on utilisa aussi d’autres substances végétales pour soigner la mélancolie. Ainsi, par exemple, Chrysippe de Cnide recommandait le chou-fleur ; Philistion et Plistonicos recommandaient le basilic ; Philagius prescrivait une potion à base de gingembre, poivre, épithème et miel.

2) Remarque :

a) 3e et 2e siècle avant J-C

Platon avait considéré certaines formes de folie comme un don des dieux. Aristote, son disciple associa la mélancolie au génie, soutenant qu’un excès de bile noire pouvait aider les artistes, les philosophes et aussi les hommes politiques à exceller dans leur domaine. De plus, pour Aristote, le coeur, principal centre vital, envoyait des vapeurs très chaudes qu’il produisait vers le cerveau et celui-ci s’activait à les refroidir et à les condenser; ainsi, l’activité du coeur pouvait à son tour être rafraîchie et comblée.

b) Epoque hellénique

Pour soigner la mélancolie, certains médecins préconisaient d’apporter le manque en question. Par exemple, pour soigner un patient amoureux, il fallait parfois persuader la bien-aimée pour guérir le patient.

3) 1e siècle avant J-C

À Rome, Asclépiade de Bithynie prescrivait aux personnes touchées par la mélancolie divers types de bains, régimes, cadres bien éclairés; il conseillait aussi d’avoir en présence de ces patients des attitudes rassurantes et encourageantes. L’encyclopédiste Aulus Cornelius Celse, dans son “De Medicina”, décrivait certains soins en usage contre l’insomnie des malades de mélancolie:

-applications sur la tête d’onguents à base de safran et d’iris,

-placement sous les oreilles de fruits de mandragore, potions de décoctions de pavot ou de jusquiame,

-administration de ventouses scarifiantes à la nuque.

Certains philosophes, comme Sénèque, donnèrent des conseils aux malades sous formes d’encouragements ou de consolations.

4) 1e siècle

Rufus d’Ephèse s’est intéressé à la mélancolie qu’il a décrite et subdivisée en divers types caractérisés par les différentes localisations et actions de la bile, en en décrivant aussi d’autres formes délirantes. Pour ce qui concerne les thérapies, il donnait des règles hygiéniques et diététiques, la saignée, la purge à base de cuscute et d’aloès.

Soranus d’Ephèse s’est lui aussi occupé de la mélancolie: suivant la doctrine du solide, il l’attribuait à un resserrement des fibres constituant le corps humain. Il a décrit les principaux symptômes de la maladie:

-tristesse silencieuse avec pleurs non justifiés, angoisses, états de

-prostration,

-troubles gastriques,

-animosité envers les parents.

Ainsi, il conseillait surtout des cataplasmes à appliquer dans la région épigastrique ou sur le dos au niveau des omoplates; il ne négligeait pas non plus les prescriptions de type psychologico comportemental : il conseillait à la famille de faire assister le malade à des comédies joyeuses, de l’occuper à des passe-temps qui tiendraient son esprit en éveil, de témoigner de l’intérêt et de l’admiration pour ce qu’il réussissait à faire.

5) 2e siècle

Arétée de Cappadoce prescrivait des médicaments purgatifs et cholagogues qui facilitent l'évacuation de la bile noire ; il conseillait aussi des bains dans de l’eau contenant entre autres ces substances : bitume, soufre et alun. Il affirmait que cette maladie pouvait guérir complètement ou se représenter encore après plusieurs années.

6) Cas de l’Eglise

Les Pères de l’Église acceptèrent en règle générale l’explication Galien (130-200 après J-C) sur la cause de la mélancolie : la bile.

Il conseillait aux malades un régime hygiéno-diététique: celui-ci devait éviter, par exemple, les aliments qui appelleraient le noir et l’âcreté de la bile. Il prescrivait des remèdes comme par exemple un mélange de plantain, de mandragore, de fleurs de tilleul et d’opium.

Cependant, ils considéraient la mélancolie comme un péché (par exemple, la paresse). Ainsi, Saint Cassien décrit chez les moines un état favorisé par l’existence solitaire, caractérisé par la tristesse et par l’inquiétude qui les rendait oisifs et incapables de remplir leurs devoirs. En ce cas, la cure la plus adaptée pouvait être un acte de pénitence ou une punition correctrice. Pour prévenir ce péché de paresse, on conseillait de chasser l’oisiveté par le travail, surtout par des activités exigeant davantage d’engagement et d’effort.

La mélancolie, qui donnait fréquemment l’impression de haïr la vie elle-même et de se méfier de la miséricorde divine, reflétait une attitude répréhensible pour tout bon Chrétien. De plus, la personne déprimée, absorbée par ses craintes et ses délires, semblait parfois avoir perdu toute sa raison, ce don divin qui fait la différence entre l’homme et la bête; cette situation pouvait facilement être interprétée comme un signe de la réprobation divine, en raison de son lien avec la condition de pécheur.

7) Apogée de la civilisation arabe : 9e - 11e siècle

Les médecins arabes s’occupèrent aussi du problème de la dépression. Influencés par la doctrine d’Hippocrate et de Galénos, Najab ed din Unhammad décrit en particulier une forme caractérisée par le comportement taciturne et agité, avec des insomnies et de l’antipathie envers ses semblables; il décrit aussi une deuxième forme marquée par la tristesse et l’anxiété; dans les deux cas, il prescrivait des règles d’hygiène et diététiques, des bains et parfois des saignées.

Avicenne s’opposa à l’opinion qui voulait que les symptômes de la dépression dérivent de l’influence des démons, retenant qu’il s’agissait d’une maladie à soigner par des moyens médicaux (à ces patients, il prescrivait par exemple une fleur : l’hypericum).

Jusqu’aux XIIe siècle, les savants prescrivirent toujours une cure par l’hygiène et la diététique tandis que les religieux maintenaient l’intervention d’un démon ; des prêtres jetaient le déprimé à la mer du haut d'une falaise et d'autres prêtres dans une barque le repêchaient. La frayeur a été si grande que le déprimé aurait été guéri de son mal de vivre.

II) Moyen-Age

On utilisait souvent des remèdes ou des pratiques thérapeutiques qui tiraient leur bon renom du fait qu’ils faisaient référence à des médecins célèbres du passé ou bien à des saints protecteurs d’une maladie particulière; parfois aussi, les remèdes étaient prescrits sur la base de croyances magiques ou pour leur lien avec des influences astrales supposées.

III) La Renaissance

On commença à voir la condition dépressive d’un regard différent de celui du Moyen-âge.

Le philosophe Marsilio Ficino, comme l’avait déjà soutenu Aristote, définit la mélancolie et la dépression comme une caractéristique des hommes de génie, compétents dans les arts, dans les sciences et dans la politique. Dans son livre De vita triplici, Ficino propose comme soin de suivre des règles d’hygiène et de diététique, de cultiver la musique.

Plusieurs savants se sont penchés sur la question. On distinguait toujours deux cures :

-par l’hygiène et la diététique

Par exemple, André du Laurens, médecin qui écrivit le Discours des maladies mélancoliques

(1599) conseillait l’inhalation de diverses essences odoriférantes mais également la contemplation de couleurs vives; il recommandait en autre la compagnie et les occupations plaisantes et les médicaments d’origine végétale.

-par le psychisme

Timothy Bright soutenait la présence d’une forme psychique semblable à des angoisses spirituelles. Il conseillait des activités religieuses et psychologiques.

IV) 17e et 18e siècle

Le rôle de la bile noire est remis en cause. Ainsi, plusieurs nouvelles hypothèses ont été formulées :

- Thomas Willis, sous l’influence des attributions médico-chimiques, mettait en cause un excès de salinité du sang capable d’altérer la conformation même du cerveau.

-Thomas Sydenham soulignait, dans l’hypocondrie, la faiblesse du sang que l’on fortifiait par les médicaments adéquats, particulièrement à base de fer.

-Hermann Boerhaave suivant les théories médico-mécaniques, mettait en cause une augmentation des composantes huileuses du sang avec la réduction de l’apport de sang au cerveau et l’appauvrissement des secrétions nerveuses.

-Frédéric Hoffmann attribuait la mélancolie à un spasme de la dure mère avec difficulté pour la circulation du sang dans le cerveau.

-George Cheyne, dans son livre “The English Malady” s’arrête aux causes environnementales de l’hypocondrie dépressive.

A la fin du 18e siècle, la bile noire gardait une certaine importance dans la cause de la mélancolie. Ainsi, on distinguait la “mélancolie humorale” (caractérisée par des troubles digestifs, dus à l’excès de bile pouvant être traité par les produits évacuants) de la

“Mélancolie nerveuse” (caractérisée par des phénomènes convulsifs, dus à la tension des fibres constituant l’organisme qui pouvait être traités par des antispasmodiques, qui consistaient à détendre les spasmes des muscles).

V) 19e siècle

Les aliénistes du début de ce siècle, sous l’influence de la “psychiatrie romantique” qui attribuait à un déséquilibre de l’âme toutes les maladies mentales, eurent recours au “traitement mental”, qui consistait dans un essai de mettre en évidence et de faire disparaître par un traitement pédagogique le noyau délirant repéré chez le patient. On utilisait par exemple la méthode de la “fraude pieuse” (le thérapeute gagnait d’abord la confiance du patient en faisant semblant de partager ses convictions pour mieux les corriger par la suite); on pouvait également procurer au malade des sensations agréables, en alternance avec des sensations désagréables, pour que les premières soient ainsi mises en valeur par rapport aux autres; ou bien on cherchait à provoquer, au cours de ces dernières, des émotions imprévues par des effets de surprise tirés de stimulations sonores et visuelles.

Au milieu du 19e siècle, on utilisait des produits pharmaceutiques comme les purgatifs, les fluidifiants et les digestifs. Les thérapies physiques étaient des immersions dans l’eau, la douche ou la chaise tournante.

Dans la seconde moitié du 19e siècle, on utilisait encore les médicaments déjà connus (arsenic, strychnine, strophante), on avait également recours à de nouveaux produits comme les anesthésiques ou les premiers hypnotiques (fabriqués dans les industries pharmaceutiques). D’autre techniques arrivés en médecine comme le magnétisme animal, l’hypnotisme et l’électrothérapie.

Cependant, de nombreux médecins gardaient encore une attitude attentiste, en se limitant souvent à des règles de prévention et d’aide, prescrivant aux malades les plus agités des voyages de détente ou des cures dans les stations thermales.

VI) 20e siècle

Dans la première moitié du siècle, la psychothérapie (analyse et thérapie du comportement) est un traitement innovateur dans les soins donnés aux dépressifs.

Vers le milieu du 20e siècle, on a commencé à utiliser deux traitements très efficaces contre la dépression:

-l’électroconvulsivothérapie, consistant à provoquer une crise générale au moyen d'un courant électrique administré dans le crâne.

-les psycho médicaments, comme les anti-dépressifs, les “anti-MAO” (inhibiteurs aminooxydase), la benzodiazépine (aux propriétés hypnotiques, anxiolytiques, antiépileptiques, amnésiantes et myorelaxantes), indiquée particulièrement dans la dépression anxieuse, le lithium dans la prévention de la psychose maniacodépressive et au cours des années plus récentes, les anti-dépressifs de deuxième génération (comme les “atypiques” et “sérotoninénergiques”).

Une nouvelle thérapie à été mis au point : la luminothérapie.
Aussi appelée photothérapie, elle est une technique thérapeutique médicale destinée à traiter la dépression hivernale ou dépression saisonnière. Le traitement par la luminothérapie consiste à s’exposer à une lumière blanche disposant d’un agrément médical.


4 commentaires:

TPE a dit…

source:
http://www.sfar.org/ectrecomm.html

http://www.healthpastoral.org/pdffiles/DH_55_Depression_2a_fra.pdf

Anonyme a dit…

Juste correction rapide de première lecture: (c'est excellent ;))
- "Arétée de Cappadoce [prescrivait] des médicaments purgatifs et cholagogues[(qui facilitent l'évacuation de la bile)]"
- Les Pères de l’Église acceptèrent en règle générale l’explication [de] Galénos (130-200 après J-C) [ptet dire que c'est Galien, on le connait plus comme ça...]
je finirais ce midi...

TPE a dit…

Très bon bousin, je ne m'aventurerais pas à corriger :)

Anonyme a dit…

Copié-collé du site Histoire de la Psychiatrie en France http://psychiatrie.histoire.free.fr
beau travail !