21 janvier 2008

La boulepsithérie

En mai 1808 et février 1810, Pinel présente devant l'Assemblée son avis sur une méthode fort curieuse de traitement de l'épilepsie, la boulepsithérie.

D’après Pinel, le terme exprime étymologiquement la suspension brusque du sentiment.

Boulepsithérie exprime le rappel de l'épileptique à la conscience par l'entremise des vaches.

Monsieur Denis était directeur d'un journal intitulé Le Narrateur de la Meuse, dont entre 1807 et 1809, plusieurs articles relatent les guérisons obtenues par ce moyen curatif, découvert par hasard

« L'une des filles du portier d'un château de la région «avait des accès de mal caduc si violents et si fréquents que sa sœur ne pouvant plus coucher avec elle, on la confina, à défaut d'autre place, dans une étable à vache où elle était à portée des soins de ses parents et à l'abri du froid. Elle n'éprouva point de mieux être, tout le tems que son lit fut loin des vaches; mais dès qu'on l'eut placée près de la mangeoire et sous leur haleine, le mal diminua; il disparut à la longue insensiblement, sans que cette fille ait éprouvé de rechute depuis deux ans et demi ».

Le promoteur de la méthode lance alors un appel à effectuer des essais. Les exhalaisons vivifiantes se confirment et précisent les conditions optimales de la cure. Cette cure permet également de captiver la personne malade en lui donnant confiance, et en lui faisant supporter l'ennui de l'exil auquel elle est condamnée.

Un père de famille est à son tour «débarrassé» en peu de jours non seulement de maux de tête horribles, mais aussi de son épilepsie. «Il habite l'étable (de nuit seulement) depuis la mi-mai dernier», précise l'auteur le 1er septembre.

La récente découverte d'Edward Jenner, également par hasard, permet à Denis de progresser dans les méthodes de soins : «L'Angleterre nous fournit en 1800 la Vaccine pour détruire la petite vérole; nous allons, selon toute apparence, lui donner en échange, le moyen d'éteindre le mal caduc par la Boulepsithérie.» Il est vrai que «l'une et l'autre de ces pratiques, qui ont le même animal pour agent réel offrent parfaite bénignité».
Elle en effet un animal des plus utiles à l'espèce humaine, la vache dont le lait est l'aliment de l'enfance, le beurre l'assaisonnement de nos mets, le fromage la nourriture de bien des familles, la vache traîne la charrue, sa chair et celle de son veau sont saines; leurs peaux sert à beaucoup d'usages; les trayons de la vache fournissent le virus de la vaccine et sa respiration l'air de la Boulepsithérie.

Mais comment l'haleine des vaches neutraliserait-elle à la longue l’épilepsie?
De là, on peut se demander pourquoi il n’existe pas de bains salubres d’air ? Dans ce cas là, le magnétisme serait-il une cause de cette cure ?

L'analogie avec le magnétisme animal de Mesmer qui offre à l'auteur l'hypothèse la plus fructueuse: le mesmérisme, qui produit des effets singuliers quoique contestés, offrirait plutôt un moteur qui lui serait comparable. Des émanations échappées de corps vivants, émanations dont les faits attestent l'existence, agissent sur les organes d'autres corps, surtout sur le cerveau humain lieu de départ des nerfs siège d'où l'âme exerce son control sur toute la personne.
Cette thérapie par le magnétisme garde toutefois tout son mystère et la Boulepsithérie semble n'avoir suscité que peu d'échos au-delà des frontières du département de la Meuse.

Pour le monde médical, la méthode promue par Denis renvoie à une théorie physiopathologique reconnue : l'espèce d'épilepsie qui a son siège dans les vaisseaux blancs, dans le système absorbant, reconnaît comme cause première la suppression de la transpiration. Tout traitement propre à rétablir celle-ci est en conséquence favorable au malade: bains tièdes, frictions et donc aussi l'habitation dans les étables à vaches.

Le premier rapport de Philippe Pinel, lu à la séance du 18 mai 1809 sur la boulepsithérie fut le suivant :
«Le rapport dont j'ai été chargé en dernier lieu par la Faculté a pour objet le traitement de l'Epilepsie par un séjour prolongé dans une étable à vaches avec l'attention de placer le lit vers la crèche de manière à inspirer l'air qui sort de leurs poumons par l'expiration.
[…]. La fille d'un portier âgée de 27 ans, épileptique dès l'enfance et tombée par des attaques répétées dans un état d'imbécillité, fut réduite à coucher dans une étable à vaches pour prévenir la frayeur que ces attaques pouvaient produire sur une de ses sœurs. On ne remarqua aucun changement durant la première quinzaine; mais les symptômes diminuèrent ensuite par degrés et finirent par disparaître au point que la maladie avait entièrement cessé depuis environ huit mois […].
Une dame charitable, qui avait une étable habitée par huit vaches et qui engagea d'abord une jeune épileptique de 18 ans d'y faire un séjour prolongé. On rapporte que la jeune malade resta exposée nuit et jour à l'influence salutaire de l'air respiré par les vaches, et qu'au bout de 3 semaines sa guérison fut complète. On dit avoir encore guéri de la même manière une autre fille épileptique du même âge, et on dit avoir remarqué que l'habitation dans l'étable avait suffi pour guérir l'épilepsie en dix jours. On ajoute que dans ces deux cas les épileptiques n'avoient point changé leur manière de vivre ordinaire, que leur soif avait été augmentée et qu'on leur avait donné pour toute boisson de l'eau rougie avec du vin. Pour assurer leur rétablissement, leur séjour fut prolongé dans l'étable pendant environ un mois après leur guérison.
[…] Sur cinq essais qui ont été fait de cette méthode, on avait obtenu quatre fois un succès complet et l'inefficacité de l'une de ces tentatives devait être attribuée à l'impossibilité de placer le lit de l'épileptique près de la crèche et de manière à respirer le même air que les vaches.

Il faudrait encore un tems déterminé pour pouvoir juger si la personne qu'on a cru complètement guérie n'a point éprouvée de rechute. Il serait enfin nécessaire qu'on mit la plus grande sévérité dans l'examen des faits; qu'on rapportât avec impartialité les succès qu'on a obtenus comme les tentatives qui ont été inefficaces, et ce n'est qu'après avoir ainsi multiplié les essais qu'on pourra porter un jugement éclairé sur cette méthode[…]. »

Cette thérapie ne peut donc pas vraiment être considéré comme efficace à partir du moment où il n’existe pas de traitement vraiment efficaces. Cependant boulepsithérie est le seul remède secret contre le haut mal (retenu par la Faculté) jusqu’en 1817 ; mais elle était également considéré comme dangereuse ou ridicule.
Cette thérapie présente cependant des avantages : en effet, elle est gratuite et permet de soigner un grand nombre de personnes, souvent méprisées par leur entourage ce qui évitait tout contact physique direct.

Pinel reprend le même sujet le 8 février 1810 :
«J'ai été chargé par la faculté de lui rendre compte de quelques nouveaux faits[…]. Quelque encouragement que ces essais puissent donner pour les répéter, on est encore loin d'obtenir des résultats constants et indépendamment de quelques autres faits particuliers qui attestent que cette méthode a été sans succès.[…]

On a commencé depuis plus d'un mois de faire une expérience suivie, du séjour dans une étable à vaches sur quatre épileptiques dans l'hospice de la Salpetrière; on tient un journal exact des changements qu'elles peuvent éprouver, et on en publiera les résultats aussitôt qu'ils seront bien constatés.
Une vacherie est aménagée dans l'hospice en deux lignes que séparent des barreaux en bois. Les vaches occupent la première ligne, les lits des épileptiques, placés sur un plancher, la seconde. Autant de jeunes femmes épileptiques que de vaches sont installées dans l'étable. L'essai contrôlé est confié à Augustin-Jacob Landré-Beauvais, médecin adjoint de la Salpêtrière, réputé pour son esprit indépendant de toute théorie.
Plusieurs mois se passent, quatre nouvelles jeunes femmes succèdent aux premières mais, deux ans plus tard, l'épreuve est abandonnée, sans que les résultats ne fussent publiés.
Esquirol évoque l'affaire peu après, affirmant que le résultat a été absolument nul, mais il ajoute que la différence du climat et du régime alimentaire expliquera peut-être pourquoi ce moyen a réussi ailleurs, et pourquoi il a été sans succès chez nous.

La boulepsithérie n'était donc pas moins rationnelle ; elle eu égard aux théories physiopathogéniques de l'époque, que le cautère actuel ou plus tard l'électrochoc (Similia similibus curantur...), la pneumo thérapie ou la castration. Elle n'était sans doute pas non plus beaucoup moins efficace. Mais elle était inoffensive, ce qui est tout de même un incontestable avantage.

2 commentaires:

TPE a dit…

Les vaches, c'est le bien, je l'ai toujours dit :)

Sérieusement, bon boulot, c'est interessant la boulepsithérie !

Y a pas mal de fautes d'orthographe, mais bon, faudra reprendre l'ensemble de l'article.

Anonyme a dit…

source:http://psychiatrie.histoire.free.fr/

et déja je ne pense pas qu'il y ait des fautes d'orthographes ... d'expressions peut-être mais tout au plus!