25 janvier 2008

Historique de Sainte Anne (for the oral test)

Vous l'attendiez ? Et bah moi aussi ... ou plutôt j'le bossais. J'ai réussi à synthétiser (enfin bon, c'est proche de l'original quand même ...) un gros machin sur Saint Anne, sa création, son extension, bla bla bla ... possibilité donc pour l'oral.
Le mieux, c'est encore de lire ;)

Sainte-Anne avant Sainte-Anne

Le premier hôpital du quartier, fondé au XIIIe siècle par la veuve du roi Saint-Louis, fut remplacé en 1606 par le Sanitat Saint-Marcel, dit "La Santé" pour y loger les pestiférés. En 1645, la Régente Anne d'Autriche décide de le déplacer plus au sud parce que trop proche de l'Abbaye du Val-de-Grâce. Les travaux débutent en 1651 au lieu-dit "Pique-hoüe" ou "Longue-Avoine", entre l'avenue René Coty actuelle et la rue de la Santé. Le sanitat prend le nom de Sainte-Anne, en l’honneur de sa fondatrice.

Il reste quasi-inoccupé jusqu'en 1787, date où il est choisi par l'Académie des Sciences comme site d'un des quatre hôpitaux devant remplacer l'Hôtel-Dieu. Tenon lui-même propose de le réserver aux "aliénés curables". Le projet est abandonné à la veille de la Révolution. Vingt ans plus tard, le "Clos Sainte-Anne" est loué par une laiterie.

En 1833, Esquirol envisage d'y établir un hospice pour vieillards et infirmes. La même année, Ferrus, médecin chef de Bicêtre obtient d'y appliquer ses théories sur le traitement des aliénés par le travail. Pendant trente ans, les aliénés tranquilles de Bicêtre (200 au plus fort de l'activité) s'y rendent pour divers travaux d'élevage et de culture essentiellement.

L'enclos de 5 hectares, entouré de murs, correspond à la partie sud-est de l'hôpital actuel, jusqu'à l’impasse Reille (aujourd’hui disparue). La ferme Sainte-Anne est un modèle, pour ses bons effets sur la santé des aliénés.

L’Asile Clinique Sainte-Anne, un "modèle à présenter non seulement à la France, mais au monde entier"

En 1863, la décision d'édifier sur l’emplacement de la Ferme un Asile d'aliénés sonne le glas de l'expérience. La Loi du 30 juin 1838 avait prescrit à chaque département d'avoir un établissement "spécialement destiné à recevoir et soigner les aliénés". Or la Seine ne dispose que de Bicêtre et la Salpêtrière dont les locaux sont notoirement inadaptés et insuffisants.

Une Commission présidée par le Préfet Haussmann propose la création d'asiles d'une capacité totale de 6000 lits, construits sur le modèle de l'asile d'Auxerre dont Girard de Cailleux, secrétaire de la Commission, avait été médecin directeur :

- Un "Asile clinique" à Paris, sur l'emplacement de la Ferme, lieu accessible aux étudiants de la Faculté de médecine. Annexé à l'asile, un Bureau central recevra, examinera et classera les malades avant de les répartir.

- Une dizaine d'asiles satellites, à moins de vingt kilomètres de la capitale, de chacun 600 places au maximum. Ville-Evrard ouvrira en 1868, Vaucluse en 1869.

La construction de ce "véritable foyer de la science aliéniste" est confiée à l'architecte Charles-Auguste Questel. Les terrains de la ferme et les parcelles expropriées s'étendent sur 18 hectares dont 13, formant un quadrilatère irrégulier, sont clos de murs. Trois voies de circulation et d'isolement sont percées à l'Est, au Nord (futures rues Broussais et Cabanis) et au Sud (boulevard de Transit, future rue d'Alésia). Questel tire habilement parti de la déclivité du terrain.

Les constructions, sobres et élégantes, évitent l'idée de réclusion. Les matériaux proviennent des démolitions dues aux percées des avenues haussmanniennes.

L'avenue intérieure prolonge la rue Ferrus et divise le domaine en deux parties:

- Sur la partie Est sont édifiés la loge, le pavillon du Directeur, les trois pavillons du Bureau Central reliés entre eux avec salle de cours et quartier cellulaire.

- Dans la partie Ouest, les remises, écuries et ateliers, le bâtiment de l'administration avec logements et parloirs, et l'Asile proprement dit, conçu sur un mode pavillonnaire très ordonné, où forme et fonction thérapeutique sont inséparables. Il est composé de deux "divisions", celle des hommes à droite et celle des femmes à gauche, ayant chacune une infirmerie et cinq pavillons pouvant accueillir 280 malades.

Chaque pavillon comprend trois dortoirs et une cour limitée par un mur précédé d'un saut-de-loup. Une galerie, axe de symétrie de chaque division, conduit au pavillon de bains auquel est annexé un pavillon de neuf cellules pour les agités.

Sur l'axe central de l'asile se trouvent le Bâtiment des services généraux dit "de l'Horloge" surmonté d'un belvédère de surveillance, la chapelle -chef-d'œuvre de Questel-, l'amphithéâtre, la buanderie et le château d’eau. L'ensemble est demeuré intact, hormis les demi rotondes pour agités qui ont disparu.

L’Age d’or de l’aliénisme

Le 1er mai 1867, l'asile ouvre ses portes, avec Girard comme directeur. La plupart des malades reçus par le Bureau Central d'Examen viennent de l'Infirmerie du Dépôt. L'un des deux internes, Valentin Magnan, futur chef de l'Ecole française de médecine mentale, y fera une carrière de 45 années. Et un "Bureau de consultations gratuites" est inauguré au Bureau Central en août 1868, vite doublé d'un "service de consultations externes" tenu par les deux médecins en chef de l'Asile.

La période suivante est troublée: chute du Second Empire, départ de Girard, obus prussiens et combats de la Semaine sanglante perturbent quelque temps la vie de l'asile. Le Service des aliénés de la Seine passe dès novembre 1870 sous la gestion de l'Assistance publique, et ne reviendra que fin 1873 dans les attributions du Préfet de la Seine.

L'institution dispose de "serviteurs dévoués" ne manquant pas de savoir-faire mais ils doivent aussi s'instruire: l'Ecole professionnelle d'infirmiers et d'infirmières ouvre en 1882. La laïcisation peut alors se concrétiser en janvier 1884 par le remplacement des Sœurs de Saint-Joseph. Mais les nouvelles infirmières, aussi mal payées que les gardiens des hommes vivent dans des conditions difficiles, en effet, en 1889, au nombre de trois pour 60 malades, elles travaillent 16 heures par jour et dorment dans des chambres proches des dortoirs des malades.

La mobilisation des hommes pendant la Grande Guerre imposera l'entrée d'infirmières dans la division des hommes, ce dont "il ne résulte aucun inconvénient", précise la Commission de surveillance en 1915.

Entre 1869 et 1877, deux pavillons ont été édifiés dans la partie sud-est du domaine dans le cadre d'un projet de pensionnat (pour malades payants), puis d'un projet de quartier pour aliénés criminels. Baptisés Leuret et Ferrus (et depuis 1911, à l'initiative de G. Ballet, respectivement Benjamin Ball et A. Joffroy), ils seront dévolus à la "Clinique de Pathologie mentale et des maladies de l'encéphale" créée en 1877.

Magnan assurait déjà avec ses collègues un "enseignement par la clinique", suspendu de 1873 à 1876 après une campagne de presse dénonçant les présentations de malades. Magnan est candidat à la chaire, mais c'est un élève de Charcot, Benjamin Ball qui l'emporte. À Ball succèderont Alix Joffroy, Gilbert Ballet, Ernest Dupré, Henri Claude, Maxime Laignel-Lavastine, Joseph Levy-Valensi, Jean Delay, Pierre Deniker...

Le Pavillon central de chirurgie, dit "Pavillon hollandais" ouvre en 1900, et reçoit les cas chirurgicaux et obstétricaux des asiles de la Seine. Deux ans plus tard ouvre un service de chirurgie dentaire.

Les premiers traitements spécifiques: vers la fin de l’Asile

En 1908, 300 malades tranquilles travaillaient selon leur métier, dans et pour l'établissement: menuiserie, serrurerie, peinture, jardinage, buanderie, repassage, etc.

De nouveaux traitements plus actifs sont inventés: la clinothérapie et les bains permanents dans les états aigus, dont Magnan est un grand partisan. Il est aussi apôtre du « no-restraint », et supprime la camisole, l'immobilisation au lit, puis les cellules d'isolement.

C'est Henri Claude, médecin-chef de la « Clinique », qui passe pour avoir "fait entrer" la psychanalyse à Sainte-Anne en 1923. La Clinique abrite aussi le célèbre "Laboratoire de Psychologie" dirigé par Georges Dumas. Les premiers traitements biologiques apparaissent : malariathérapie (le centre d'impaludation du docteur Leroy est unique en France), cures de Sakel, premières méthodes de convulsivothérapie.

L’hôpital Henri Rousselle, premier « service ouvert »

Jusqu'en 1922, toutes les admissions dans les asiles avaient lieu sous le régime de la Loi de 1838, donc sous contrainte. Cette année-là, Henri Rousselle, membre du Conseil Général obtient la création du premier "service ouvert" en France.

Ce service départemental "de prophylaxie mentale" confié au psychiatre Edouard Toulouse regroupe hospitalisation, dispensaire, service social et laboratoire de recherche. Il occupe bientôt l'ensemble des bâtiments du service des Admissions (qui déménage dans les anciennes infirmeries de l'asile). Du fait de son succès, il s'avère vite insuffisant pour la population du département. Mais des malades y sont retenus contre leur gré ou en sortent transférés dans un service fermé, ce qui -autant que son coût élevé- est très critiqué par la plupart des aliénistes des asiles... L'un d'entre eux, Théodore Simon, succède à Toulouse en 1936, suivis de Génil-Perrin dernier médecin-directeur, Yves Porc'her, Rondepierre, Daumézon.

En 1933, la mobilisation des médecins pour la défense de Sainte-Anne, le seul asile parisien intra-muros, évite sa fermeture et l'installation de la Faculté de médecine dans ses locaux. L'hôpital de la Charité de la rue des Saints-Pères aura moins de chance.

De l’Occupation à la Sectorisation

En 1940, une partie de l'Hôpital Psychiatrique -nom qui a remplacé en 1937 Asile d'aliénés- est convertie en hôpital militaire allemand. Une présence ennemie qui n'empêche pas l'hôpital de servir d'asile à des personnes menacées (Anglais, Juifs...), et que s'y développe la Résistance, avec Julian de Ajuriaguerra, Lucien Bonnafé, qui dirige le Front National Sanitaire, Jean Talairach qui le remplace à ce poste, Pierre Deniker, René Suttel, Henri Cénac-Thaly détenu plusieurs mois à la Santé en 1943, Yves Porc'her -le capitaine Delcourt dans la clandestinité- condamné à un an de prison, Virginie Olivier -Charlotte dans la clandestinité- infirmière, morte à Ravensbrück. De plus, trois médecins de l'hôpital sont assassinés à Auschwitz: Joseph Levy-Valensi, titulaire de la chaire, René Bloch chirurgien-chef et son adjoint Moïse Haller.

Sous l'Occupation, le nombre des entrées baisse plus encore que lors de la Première Guerre. Surtout, le régime de famine entraîne une mortalité très élevée, l'hécatombe touchant d'autant plus Sainte-Anne que les malades arrivent aux Admissions dans un état de dénutrition souvent marqué. Cette période voit aussi l'ouverture dans le "Pavillon hollandais" du service de neuro-psycho-chirurgie (Pierre Puech), l'installation des premières unités d'EEG de France et l'utilisation des premiers sismothères.

Dans les années 1950, Daumézon, médecin-chef des Admissions, applique le principe de répartition des malades selon des aires de recrutement géographique, puis en 1967 remplace le vieux service par le Centre Psychiatrique d'Orientation et d'Accueil, consultation d'urgence ouverte jour et nuit.

En 1967 naît aussi l'idée d'une réorganisation de la psychiatrie parisienne: chacun des 36 secteurs de Paris disposerait de 50 lits à Sainte-Anne, où six nouveaux bâtiments de 7 niveaux remplaceraient ceux de l'asile d'Haussmann, et de 150 lits dans un hôpital périphérique. Survient mai 68, et l'abandon du projet permet d'éviter le pire, au moins sur le plan architectural.

Puis vient la sectorisation, dix ans après la circulaire du 15 mars 1960. Le développement de l'extrahospitalier favorise alors la réduction du nombre de lits et celle-ci l'intégration de plusieurs secteurs auparavant rattachés à Vieille-Eglise, Perray-Vaucluse et Maison-Blanche. La psychiatrie de Sainte-Anne s'installe "dans la cité", jusqu'à sa récente implantation aux urgences des hôpitaux généraux.

Enseignement et recherche: des découvertes de portée mondiale

Ce dernier demi-siècle voit se développer l'Ecole d'Infirmière, aujourd'hui IFSI Virginie Olivier, et une importante Ecole des Cadres Infirmiers. Sur le plan médical, la tradition se perpétue: l'enseignement est dispensé dans les deux services universitaires héritiers de la Clinique, le SHU et la CMME, mais aussi dans les services de psychiatrie de secteur.

La recherche est représentée par cinq unités de l'INSERM, avec en particulier son Centre Paul Broca. Les Journées Sainte-Anne réunissent depuis 1983 les diverses écoles, de la psychiatrie biologique à la psychanalyse. Parmi les représentants de cette dernière discipline, citons Parcheminey, Pierre Male, Pasche, Lacan (qui trouve dans le service de Claude matière à sa thèse de 1932) et ses célèbres "présentations de malade", Pierra Aulagnier.

En 1952, Sainte-Anne est le lieu d'un évènement majeur: la découverte par Jean Delay et son assistant Pierre Deniker des propriétés du premier neuroleptique, le 4560 RP (Largactil). En 1957, Deniker reçoit le prix Lasker, partagé avec Henri Laborit qui le premier utilisa le produit dans l'hibernation artificielle. La recherche dans le domaine de la pharmacocinétique et des propriétés thérapeutiques des psychotropes s'y est poursuivie avec profit.

C'est à Talairach que l'on doit l'autre découverte de portée mondiale, la stéréotaxie: son "cadre", un appareil fixé sur le crâne est mis au point en 1948, année où il réalise avec Henry Hécaen et Ajuriaguerra la première intervention au monde "à crâne fermé". Les applications en sont multiples en neurochirurgie et en épileptologie (stéréo-électro-encéphalographie) notamment.

La Stimulation Thalamique Intermittente est inventée et développée à Sainte-Anne par Mazars à partir des années 1960. Le développement de l'imagerie (scanner, angiographie numérisée, IRM, imagerie de diffusion, de perfusion et d'activation, etc.) a permis à l'hôpital de disposer d'un plateau technique de premier plan.

La neurochirurgie et le service d'imagerie morphologique et fonctionnelle, la neurologie, la chirurgie, l'anesthésie-réanimation et la stomatologie sont regroupés depuis 1986 dans le Centre Raymond Garcin (du nom du neurologue de la Salpêtrière), construit autour du "Pavillon hollandais".

Les constructions anciennes sont inscrites à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1979. Du mur qui entourait l'asile ne subsiste qu'une portion rue de la Santé et rue Cabanis, que l'on envisage d'abattre. Le parc, avec son millier d'arbres (dont un Gingko Biloba, un Dyospiros et un Murier centenaire) et ses nombreuses statues, est classé et protégé.

De quelques personnalités et innovations

Parmi les grands personnages, citons Soulairac pour ses recherches psycho-neuro-endocrinologiques, Sven Follin, l'un des pères de la psychose hystérique, Brian-Garfield, première femme chirurgien français nommée chirugien-chef en 1946, le père Deschamps, exorciste, aumônier de 1974 à 1986...

Nombreuses aussi sont les créations et innovations de ces dernières décennies:

- Le Centre de Guidance Infantile Pierre Male, du nom de son fondateur avec René Zazzo et "Ajuria" en 1948

- Le dispensaire Moreau de Tours ouvert en 1972, premier centre pour toxicomanes en France avec Fernand-Widal habilité à délivrer la méthadone (1974), devenu en 2004 un service à part entière

- Le Centre d'Etude de l'Expression de la CMME constitué en 1969 à partir du Centre d'Expression plastique de Robert Volmat et Jean Delay (1954) et son Musée Singer-Polignac

- Le Secteur Médico-Psychologique Régional de la prison de la Santé rattaché à Sainte-Anne en 1986.

Et plus récemment les unités de prise en charge des Troubles du Comportement Alimentaire (CMME), des adolescents (au CPOA), des patients sourds, et enfin l'équipe "Santé mentale et Exclusion sociale" qui montre que Sainte-Anne, en charge avec Perray-Vaucluse des quartiers les plus aisés de la capitale, n'en a pas moins le souci de l'accès aux soins des plus démunis.

Enfin, l'Institut H. Ellenberger voisine avec la deuxième bibliothèque européenne de psychiatrie, qui pour tout ce qu’elle lui doit porte le nom du Maître de Bonneval, Henri Ey, qui anima près de 40 ans ses "Mercredis de Sainte-Anne". Un Musée d'histoire de la psychiatrie a ouvert en 1989.

Un Centre Hospitalier tourné vers l’avenir

Que des malades aient été isolés à Sainte-Anne n'en a pour autant jamais fait un lieu isolé du monde. Un riche partenariat interhospitalier en France et dans le Monde s'y est développé, mais aussi les relations avec les associations de patients et de leurs familles, concrétisées par l'ouverture d'une "Maison des Usagers" en 2004.

Et si Sainte-Anne n'est plus depuis quelques années le seul hôpital psychiatrique parisien intra-muros, il reste un Centre Hospitalier unique en son genre, dont la réputation internationale sera confortée par le futur (et futuriste) Institut de la Psychiatrie et des Neurosciences.

Sans avoir perdu de vue sa mission première: les soins aux malades, qu'il remplit depuis bientôt cent cinquante ans.


21 janvier 2008

La boulepsithérie

En mai 1808 et février 1810, Pinel présente devant l'Assemblée son avis sur une méthode fort curieuse de traitement de l'épilepsie, la boulepsithérie.

D’après Pinel, le terme exprime étymologiquement la suspension brusque du sentiment.

Boulepsithérie exprime le rappel de l'épileptique à la conscience par l'entremise des vaches.

Monsieur Denis était directeur d'un journal intitulé Le Narrateur de la Meuse, dont entre 1807 et 1809, plusieurs articles relatent les guérisons obtenues par ce moyen curatif, découvert par hasard

« L'une des filles du portier d'un château de la région «avait des accès de mal caduc si violents et si fréquents que sa sœur ne pouvant plus coucher avec elle, on la confina, à défaut d'autre place, dans une étable à vache où elle était à portée des soins de ses parents et à l'abri du froid. Elle n'éprouva point de mieux être, tout le tems que son lit fut loin des vaches; mais dès qu'on l'eut placée près de la mangeoire et sous leur haleine, le mal diminua; il disparut à la longue insensiblement, sans que cette fille ait éprouvé de rechute depuis deux ans et demi ».

Le promoteur de la méthode lance alors un appel à effectuer des essais. Les exhalaisons vivifiantes se confirment et précisent les conditions optimales de la cure. Cette cure permet également de captiver la personne malade en lui donnant confiance, et en lui faisant supporter l'ennui de l'exil auquel elle est condamnée.

Un père de famille est à son tour «débarrassé» en peu de jours non seulement de maux de tête horribles, mais aussi de son épilepsie. «Il habite l'étable (de nuit seulement) depuis la mi-mai dernier», précise l'auteur le 1er septembre.

La récente découverte d'Edward Jenner, également par hasard, permet à Denis de progresser dans les méthodes de soins : «L'Angleterre nous fournit en 1800 la Vaccine pour détruire la petite vérole; nous allons, selon toute apparence, lui donner en échange, le moyen d'éteindre le mal caduc par la Boulepsithérie.» Il est vrai que «l'une et l'autre de ces pratiques, qui ont le même animal pour agent réel offrent parfaite bénignité».
Elle en effet un animal des plus utiles à l'espèce humaine, la vache dont le lait est l'aliment de l'enfance, le beurre l'assaisonnement de nos mets, le fromage la nourriture de bien des familles, la vache traîne la charrue, sa chair et celle de son veau sont saines; leurs peaux sert à beaucoup d'usages; les trayons de la vache fournissent le virus de la vaccine et sa respiration l'air de la Boulepsithérie.

Mais comment l'haleine des vaches neutraliserait-elle à la longue l’épilepsie?
De là, on peut se demander pourquoi il n’existe pas de bains salubres d’air ? Dans ce cas là, le magnétisme serait-il une cause de cette cure ?

L'analogie avec le magnétisme animal de Mesmer qui offre à l'auteur l'hypothèse la plus fructueuse: le mesmérisme, qui produit des effets singuliers quoique contestés, offrirait plutôt un moteur qui lui serait comparable. Des émanations échappées de corps vivants, émanations dont les faits attestent l'existence, agissent sur les organes d'autres corps, surtout sur le cerveau humain lieu de départ des nerfs siège d'où l'âme exerce son control sur toute la personne.
Cette thérapie par le magnétisme garde toutefois tout son mystère et la Boulepsithérie semble n'avoir suscité que peu d'échos au-delà des frontières du département de la Meuse.

Pour le monde médical, la méthode promue par Denis renvoie à une théorie physiopathologique reconnue : l'espèce d'épilepsie qui a son siège dans les vaisseaux blancs, dans le système absorbant, reconnaît comme cause première la suppression de la transpiration. Tout traitement propre à rétablir celle-ci est en conséquence favorable au malade: bains tièdes, frictions et donc aussi l'habitation dans les étables à vaches.

Le premier rapport de Philippe Pinel, lu à la séance du 18 mai 1809 sur la boulepsithérie fut le suivant :
«Le rapport dont j'ai été chargé en dernier lieu par la Faculté a pour objet le traitement de l'Epilepsie par un séjour prolongé dans une étable à vaches avec l'attention de placer le lit vers la crèche de manière à inspirer l'air qui sort de leurs poumons par l'expiration.
[…]. La fille d'un portier âgée de 27 ans, épileptique dès l'enfance et tombée par des attaques répétées dans un état d'imbécillité, fut réduite à coucher dans une étable à vaches pour prévenir la frayeur que ces attaques pouvaient produire sur une de ses sœurs. On ne remarqua aucun changement durant la première quinzaine; mais les symptômes diminuèrent ensuite par degrés et finirent par disparaître au point que la maladie avait entièrement cessé depuis environ huit mois […].
Une dame charitable, qui avait une étable habitée par huit vaches et qui engagea d'abord une jeune épileptique de 18 ans d'y faire un séjour prolongé. On rapporte que la jeune malade resta exposée nuit et jour à l'influence salutaire de l'air respiré par les vaches, et qu'au bout de 3 semaines sa guérison fut complète. On dit avoir encore guéri de la même manière une autre fille épileptique du même âge, et on dit avoir remarqué que l'habitation dans l'étable avait suffi pour guérir l'épilepsie en dix jours. On ajoute que dans ces deux cas les épileptiques n'avoient point changé leur manière de vivre ordinaire, que leur soif avait été augmentée et qu'on leur avait donné pour toute boisson de l'eau rougie avec du vin. Pour assurer leur rétablissement, leur séjour fut prolongé dans l'étable pendant environ un mois après leur guérison.
[…] Sur cinq essais qui ont été fait de cette méthode, on avait obtenu quatre fois un succès complet et l'inefficacité de l'une de ces tentatives devait être attribuée à l'impossibilité de placer le lit de l'épileptique près de la crèche et de manière à respirer le même air que les vaches.

Il faudrait encore un tems déterminé pour pouvoir juger si la personne qu'on a cru complètement guérie n'a point éprouvée de rechute. Il serait enfin nécessaire qu'on mit la plus grande sévérité dans l'examen des faits; qu'on rapportât avec impartialité les succès qu'on a obtenus comme les tentatives qui ont été inefficaces, et ce n'est qu'après avoir ainsi multiplié les essais qu'on pourra porter un jugement éclairé sur cette méthode[…]. »

Cette thérapie ne peut donc pas vraiment être considéré comme efficace à partir du moment où il n’existe pas de traitement vraiment efficaces. Cependant boulepsithérie est le seul remède secret contre le haut mal (retenu par la Faculté) jusqu’en 1817 ; mais elle était également considéré comme dangereuse ou ridicule.
Cette thérapie présente cependant des avantages : en effet, elle est gratuite et permet de soigner un grand nombre de personnes, souvent méprisées par leur entourage ce qui évitait tout contact physique direct.

Pinel reprend le même sujet le 8 février 1810 :
«J'ai été chargé par la faculté de lui rendre compte de quelques nouveaux faits[…]. Quelque encouragement que ces essais puissent donner pour les répéter, on est encore loin d'obtenir des résultats constants et indépendamment de quelques autres faits particuliers qui attestent que cette méthode a été sans succès.[…]

On a commencé depuis plus d'un mois de faire une expérience suivie, du séjour dans une étable à vaches sur quatre épileptiques dans l'hospice de la Salpetrière; on tient un journal exact des changements qu'elles peuvent éprouver, et on en publiera les résultats aussitôt qu'ils seront bien constatés.
Une vacherie est aménagée dans l'hospice en deux lignes que séparent des barreaux en bois. Les vaches occupent la première ligne, les lits des épileptiques, placés sur un plancher, la seconde. Autant de jeunes femmes épileptiques que de vaches sont installées dans l'étable. L'essai contrôlé est confié à Augustin-Jacob Landré-Beauvais, médecin adjoint de la Salpêtrière, réputé pour son esprit indépendant de toute théorie.
Plusieurs mois se passent, quatre nouvelles jeunes femmes succèdent aux premières mais, deux ans plus tard, l'épreuve est abandonnée, sans que les résultats ne fussent publiés.
Esquirol évoque l'affaire peu après, affirmant que le résultat a été absolument nul, mais il ajoute que la différence du climat et du régime alimentaire expliquera peut-être pourquoi ce moyen a réussi ailleurs, et pourquoi il a été sans succès chez nous.

La boulepsithérie n'était donc pas moins rationnelle ; elle eu égard aux théories physiopathogéniques de l'époque, que le cautère actuel ou plus tard l'électrochoc (Similia similibus curantur...), la pneumo thérapie ou la castration. Elle n'était sans doute pas non plus beaucoup moins efficace. Mais elle était inoffensive, ce qui est tout de même un incontestable avantage.

17 janvier 2008

La nosographie

Et bien comme il semble être d'usage de mettre une petite introduction à ses messages, j'en met une. Une petite touche feminine, ça manquait, non? Donc voilà, un petit, tout petit peu de philo parmi tous vos articles sur les soins. petite paranthèse(taper quand on vient de se mettre du verni c hyper chiant! mais bon, il faut bien meubler le temps entre les affichages de pages vu que, je reconnais que tu avais raison Eru, internet explorer c lent...)

La dualité de la nosographie

La maladie mentale, si elle reste une maladie, ne peut être traitée de la même manière que les affections physiques. Car on ne peut nier, même si les causes sont souvent multiples, que le facteur psychologique intervient dans ces pathologies. Ainsi, vouloir faire de la « folie » une maladie comme les autres peut s’avérer préjudiciable pour le patient. La nosographie en est l’exemple le plus probant. Si elle est nécessaire et présente un caractère bénéfique qu’il n’est nullement question de remettre en cause, par certains de ses aspects, elle enferme le patient dans sa maladie et change irrémédiablement sa position sociale.

I. Appeler un chat un chat

La nosographie psychiatrique ne manque pas d’opposants. Certains psychiatres, après avoir relevé qu’elle ne sert ni à décrire, ni à prescrire, ni à communiquer, ajoutent qu’elle s’est constituée « au confluent de deux préoccupations essentielles : celle du psychiatre désireux de rester un médecin comme les autres, celle de la société, soucieuse de justifier le rejet de ses fous. » (1)

Il y a tout de même, dans cet acte de classification, un aspect apaisant pour le patient qui peut enfin mettre un nom sur son affection. Mais si l’on considère que le malade mental est une personne qui refuse ou ne parvient pas à assumer son rôle social, et que la folie est une échappatoire, la société la capture à nouveau d’abord symboliquement en lui accolant l’étiquette de « fou » puis physiquement, en l’envoyant dans un asile. Modaliser

Le psychiatre retirerait donc le plus grand bénéfice de son diagnostic. « Poser un diagnostic c’est créer une entité - la maladie - en la nommant et en la classant. C’est, d’un seul coup, tarir les deux sources de son angoisse, l’inconnu de la folie et la relation au fou. Car dès qu’elle est nommée, la maladie devient cette chose familière, autonome, avec laquelle on entre directement en relation, sans avoir à passer par le fou. Ne dit-on pas qu’on a soigné telle ou telle maladie, ne nomme-t-on pas les « malades » par leur diagnostic ? » Le Pr. André Bourguignon soulève ici un caractère négatif essentiel qu’est la dépersonnalisation. Car si le psychiatre voit un intérêt à se détacher de son sujet pour s’intéresser au groupe auquel il appartient, il semble évident que le malade concerné n’en voit aucun : on l’enferme dans une case, il devient un objet classé. De plus, avec le diagnostic vient le pronostic car chaque affection a ses symptômes et des comportements qui lui sont propres. Ainsi, le paranoïaque sera dangereux, l’obsessionnel incurable, etc.… Le malade mental se retrouve donc prisonnier de la fatalité, enchaîné par les mots. Une chose classée peut-elle en effet changer sans risque de ruiner tout le système de classification ?

II. Conséquences pour son statut social

Si l’exclusion du fou est antérieure à la psychiatrie, aux maisons de santés et aux asiles qui se sont créés en réaction à la volonté des gens « normaux » de se séparer des « anormaux », le statut de malade mental rebute dans notre société dominé par la raison. Ainsi, si le diagnostic revêt, pour le psychiatre, un caractère rassurant, comme nous l’avons vu précédemment, il place le patient en marge de la société. Le fou ne saurait assumer un quelconque rôle social. L’avis irréfutable des autorités compétentes « autorise » cette marginalisation. Il fut un temps où, pour se débarrasser de quelqu’un, le faire interner était une solution pratique et courante. Cela revient à une neutralisation définitive car une fois l’étiquette de fou accolé, elle ne s’enlève jamais totalement. On peut être qualifié de schizophrène en voie de rémission, mais l’on n’est jamais guéri comme on l’est d’une maladie physique, pour la société s’entend. Le caractère diffamatoire de la folie est une constante dans notre société. Un homme peut posséder toutes les qualités du monde, il suffit qu’on dise qu’il a fait un séjour dans un centre psychiatrique et, immédiatement, ce défaut prend le pas sur tout.

Voilà, voilà, le grand trois, la relativité du diagnostic, arrive. Faut que je rédige les expériences...

11 janvier 2008

Des méthodes de soins (des sérieuses au farfelues)

Les images ne passent pas

Des méthodes de soins

I) Georges Meunier et les traitements gothiques de la folie

1) Le panier de force

Usage à la Maison de Charenton au début du XIXème siècle, et supprimé par Esquirol dès son entrée en fonction.

2) Intérieur d'une cellule
(le lit de pierre)

Présent dans de nombreux hôpitaux vers la fin du XVIIIème siècle.

3) La camisole de force et les entraves

Elle contraint le malade à rester debout et à une pénible immobilité.
Cette technique de contention associant camisole et ceps date du début du XIXe siècle et n'a jamais été utilisée en France (du moins jamais été déclarée).

4) Le fauteuil de force

Cette autre méthode d'immobilisation fut assez répandue dans les établissements du nord de l'Europe.
Elle a été abandonnée dans le courant du XIXème siècle.

5) Aliéné enchaîné à Bedlam

William Norris, découvert ainsi enchaîné dans une cellule de l'asile londonien par une commission parlementaire en 1814.
Cette peinture est une copie de la gravure de A. Tardieu, publiée dans l'ouvrage d'Esquirol en 1838, elle-même inspirée du dessin d'un témoin oculaire, George Arnald.

6) Le manchon

Même principe que la camisole de force : entraver les mains.

7) Le fauteuil à douche

Il aurait été utilisé au début du XIXème siècle pour la douche ascendante (lavement), comme alternative au clystère.
Aucun témoignage ne nous indique son utilisation en France.

8) La cangue d'osier

Une invention de Coulmier (1741-1818), régisseur de la maison de Charenton, visant à remplacer la camisole de force en toile.
Ce prototype semble n'avoir eu aucun succès.

9) Alimentation forcée
(la bouche de fer)

Pour vaincre l'opposition des malades refusant de s'alimenter.
La sonde gastrique souple a remplacé les divers systèmes employés dans le courant du XIXème siècle.

10) Le tour

Machine rotatoire en usage à l'hôpital de la Charité de Berlin dans les années 1810-1820

11) Le tambour à rotation

La machine dans laquelle était enfermé le malade, pouvait être actionnée de l'extérieur. Elle fut inventée par Heinroth et exclusivement utilisée en Allemagne, dans la première moitié du XIXème siècle.
Elle pouvait servir à la fois à enfermer le malade, et à provoquer une crise vagotonique comme la machine rotatoire ou le tourniquet à secousses.

12)Le tourniquet à secousses

Autre invention allemande, où le malade était soumis à un mouvement circulaire provoquant une crise vagotonique.

13)Le lit de force

Le malade y était camisolé et maintenu avec des sangles.

La peinture représente un lit de contention assez antique.
Il s'agit, parmi toutes les représentations peintes par Meunier, de la seule qui soit proche de ce que l'on peut encore voir utilisé de nos jours en Europe occidentale (dans un service de psychiatrie, mais aussi dans d'autres services, tels que la chirurgie, la réanimation, etc.).

14)Le bain forcé

Bain de surprise, inventé par Joseph Guislain, médecin aliéniste belge, et construit dans son asile de Gand. Il provoquait un effet de choc, par la surprise et l'immersion brutale dans l'eau. La méthode était déjà abandonnée et oubliée au milieu du XIXème siècle.

15) L'horloge de Heinroth

L'un des plus invraisemblables moyens de contention jamais inventé. Le principe d'enfermer un malade dans une armoire verticale aurait été inventé par l'aliéniste saxon Heinroth au début du XIXème siècle. Aucun témoignage ne montre son utilisation en France.

II) Les purges et les émétiques

La purgation (ou purge) fit partie des méthodes thérapeutiques dites évacuantes.
Elle était aussi répandue que la saignée, autre méthode évacuante, disputant le statut de panacée (remède à tous les maux).
Tandis qu'une médecine avait longtemps été synonyme de remède ou médicament, l'expression "prendre sa médecine" désigne à l'âge classique l'absorption d'un purgatif.
La purge fut l'un des plus anciens traitements de la folie. Dans cette indication, elle est en France totalement abandonnée dans la première moitié du XIXème siècle.

Le mot « Purgatif » désigne une substance propre à éliminer les humeurs viciées, à en nettoyer l'organisme, à le purifier.

Il existe différents purgatifs :

- les cathartiques, dont certains nettoient le cerveau de la pituite, d'autres évacuent la bile, d’autre l'humeur mélancolique (les mélanogogues, qui éliminent l'humeur noire), etc.

- les émétiques (vomitifs)
- les sudorifiques qui favorisent la transpiration
- les diurétiques ou "apéritifs".

Les purgatifs classiques sont issus du monde végétal :
- les sénés et notamment le séné des prés, qui est la gratiole officinale,
- la scammonée,
- le turbith blanc,
- la rhubarbe officinale,
- le tamarin officinal,
- le ricin, dont les graines contiennent une huile éméto-cathartique, et le plus connu,
- l'ellébore (ou hellébore), plante de la famille des renonculacées.

Il existe également des purgatifs minéraux qui sont préférés aux végétaux par les médecins du XIXème siècle comme le sulfate et tartrate de soude, sulfate et tartrate de potasse notamment.

III) L’ellébore

L'ellébore a été depuis l'antiquité attribuée la vertu de guérir la folie: le nom de cette plante viendrait de « helibar » qui signifie "remède contre la folie".

Généralement et étymologiquement, on attribue le à « helein » de "faire mourir" et « bora » à "la nourriture qui fait périr", en référence à l'extrême toxicité de la plante (qui a été à l'origine de graves accidents)...

Son infusion déterge les anciens ulcères insensibles et arrosés d'un pus ichoreux; elle détruit quelquefois la rache rebelle à l'action des autres remèdes; pulvérisée, elle excite avec promptitude l'éternuement si fort & si souvent répété, qu'il survient des accidents très fâcheux.

IV) Les pèlerinages

L' « hagiothérapie » repose sur un présupposé : l'attribution à un saint -ou une sainte- d'un pouvoir thaumaturgique. Le saint est invoqué pour obtenir par son intercession auprès de Dieu la guérison d'une maladie.
Dans le domaine des troubles mentaux, cette méthode a représenté le concurrent principal de la médecine, du Moyen Âge à la fin de l'Ancien Régime, voire dans quelques cas jusque dans le courant du XIXe siècle.
Plusieurs de ces saints sont les héritiers de pratiques païennes.
Certains peuvent être qualifiés de probatoires, en ce qu'ils ont fait leurs preuves pendant leur vie terrestre.
Et très nombreux sont les saints dont les reliques ont été conservées, et déposées en un lieu de pèlerinage, où des guérisons se sont produites.
Ainsi, l'hagiothérapie se pratique généralement dans le cadre d'un pèlerinage, en le lieu où sont conservées des reliques et/ou se situe une source ou fontaine miraculeuse.
Le pèlerin est astreint à une neuvaine: le rituel, souvent très codifié, dure neuf jours.
Mais il a pu se faire que l'état de l'intéressé ne lui permette pas de s'y astreindre : la neuvaine était alors, en son nom, effectuée par une autre personne.
Aux saints invoqués dans les maladies mentales à proprement parler, ont été ici ajoutés ceux qui l'ont été contre l'épilepsie.
Exemples de saints : saint Acaire, saint Adelphe, sainte Aldegonde, saint Amable, saint Avertin, saint Bernard, saint Bertaud…

V) Transfusion

Petite anecdote de 1667 : Elle appartient plus aujourd'hui à l'histoire de la transfusion sanguine qu'à l'Histoire de la psychiatrie.

En transfusant le sang d'un veau à un homme (transfusion entre espèces différentes, ou xéno transfusion) atteint d'une folie invétérée, de tenter de le guérir; cette opération est donc bien un essai « thérapeutique ».
L'expérience se déroula à Paris, en présence de M. le comte de Frontenac et de M. l'abbé de Bourdelot, au cours d'une séance de l'«Académie Montmorienne» fondée par Henri-Louis Habert de Montmor.
Le sujet de l'essai et sa future victime, Antoine Mauroy, était âgé d'environ 34 ans (ou bien Saint-Amans, âgé de 45 ans). La transfusion eut lieu en l'hôtel de Montmor.
Le principal expérimentateur se nomme Jean-Baptiste Denis (né vers 1640, mort en 1704) : docteur de la Faculté de médecine de Montpellier, il est conseiller, médecin ordinaire du roi.
Il est assisté par Emmerets chirurgien.
«C'est en 1662 que Moritz Hoffmann avait suggéré la transfusion sanguine comme remède à la mélancolie. Quelques années plus tard, l'idée a obtenu assez de succès pour que la Société de Philosophie de Londres projette de faire une série d'expériences sur les sujets enfermés à Bethleem; Allen, le médecin chargé de l'entreprise, refuse. Mais Denis la tente sur un de ses malades...»
La mort de Mauroy est en fait causé par une hémolyse intra vasculaire massive (avec son hémoglobinurie, responsable de la coloration des urines), ayant très certainement causé une insuffisance rénale aiguë mortelle.
Mais, curieusement, la mort d'Antoine Mauroy ne survint qu'après la troisième transfusion, faite à distance des deux premières.
Denis, mis en cause, accusa la femme de la victime de l'avoir empoisonné avec de l'arsenic : Mauroy lui-même en était convaincu, et l'avait confié peu avant sa mort à son médecin. Mais la femme s'en défendit, admit qu'elle avait bien fait ingurgiter quelque chose à son mari, mais affirma qu'il ne s'agissait que de « poudres de Claquenelle qui passaient pour excellentes dans pareils cas ».
L'affaire entre Denis et la veuve Mauroy en resta là. Mais elle avait fait grand bruit, et le Parlement de Paris (une cour de justice) prit le 10 janvier 1670 un Arrêt qui défendit « à tous Médecins et Chirurgiens d'exercer la transfusion du sang, sous peine de punition corporelle ».
En 1821, le risque d'hémolyse n'était pas encore connu, et l'interdiction était toujours en vigueur: le caractère létal de la xéno transfusion ne fut établi -par Landois et Muller- qu'en 1873, et l'existence de groupes sanguins chez l'homme -par Karl Landsteiner- en 1900.

VI) La boulepsithérie

Aussi appelé ou traitement de l'épilepsie par un séjour prolongé dans une étable à vaches.

VII) Le piano à chats

Dans la Musurgie, un artiste imagine un piano à chats pour dissiper la mélancolie d’un prince. Cet instrument était constitué de chats sur lesquels on reliaient la queue au clavier et en jouant on tiraient sur leur queue produisant ainsi divers gammes de notes (par des miaulements différent car les chats différaient par leur sexe, leur âge…).

Il n’a probablement jamais été commercialisé (ou vraiment construit ; seulement en petit nombre réservé pour la haute société).

3 janvier 2008

Soins de la dépression à travers les âges

Soins de la dépression à travers les âges

I) L’Antiquité

1) 5e et 4e siècle avant J-C

À l’époque d’Hippocrate, célèbre médecin et professeur en médecine, la bile, aussi bien la jaune que la noire, était considérée communément comme liée aux anomalies du comportement. La bile, tant la jaune que la noire, était alors considérée aussi bien que le sang et le flegme, comme l’une des humeurs de base de l’organisme humain, capables d’assurer, aussi longtemps que régnait entre eux un parfait équilibre et l’harmonie, la santé physique et psychique de l’individu. En particulier, la bile noire était décrite comme un liquide sombre, dense, froid et irritant. Lorsqu’elle avait pris le dessus sur les autres liquides, la bile noire pouvait sortir de son siège naturel, s’enflammer, se corrompre et finalement obscurcir l’esprit. La mélancolie, s’étant ainsi produite par excès et altération d’une humeur corporelle, présentait surtout des symptômes psychiques tels que la tristesse, la crainte, l’inappétence, les troubles du sommeil, les hallucinations et les délires. Pour Hippocrate, la cure de la mélancolie consistait à remettre l’humeur en excès en équilibre harmonieux avec les trois autres humeurs organiques. Pour cela, il conseillait un régime hygiénique et diététique adapté, avec la prise de médicaments (comme l’ellébore et la mandragore) car celles-ci, en raison de leurs qualités purgatives et émétiques, pouvait éliminer l’excès de bile noire. A l’époque suivante, on utilisa aussi d’autres substances végétales pour soigner la mélancolie. Ainsi, par exemple, Chrysippe de Cnide recommandait le chou-fleur ; Philistion et Plistonicos recommandaient le basilic ; Philagius prescrivait une potion à base de gingembre, poivre, épithème et miel.

2) Remarque :

a) 3e et 2e siècle avant J-C

Platon avait considéré certaines formes de folie comme un don des dieux. Aristote, son disciple associa la mélancolie au génie, soutenant qu’un excès de bile noire pouvait aider les artistes, les philosophes et aussi les hommes politiques à exceller dans leur domaine. De plus, pour Aristote, le coeur, principal centre vital, envoyait des vapeurs très chaudes qu’il produisait vers le cerveau et celui-ci s’activait à les refroidir et à les condenser; ainsi, l’activité du coeur pouvait à son tour être rafraîchie et comblée.

b) Epoque hellénique

Pour soigner la mélancolie, certains médecins préconisaient d’apporter le manque en question. Par exemple, pour soigner un patient amoureux, il fallait parfois persuader la bien-aimée pour guérir le patient.

3) 1e siècle avant J-C

À Rome, Asclépiade de Bithynie prescrivait aux personnes touchées par la mélancolie divers types de bains, régimes, cadres bien éclairés; il conseillait aussi d’avoir en présence de ces patients des attitudes rassurantes et encourageantes. L’encyclopédiste Aulus Cornelius Celse, dans son “De Medicina”, décrivait certains soins en usage contre l’insomnie des malades de mélancolie:

-applications sur la tête d’onguents à base de safran et d’iris,

-placement sous les oreilles de fruits de mandragore, potions de décoctions de pavot ou de jusquiame,

-administration de ventouses scarifiantes à la nuque.

Certains philosophes, comme Sénèque, donnèrent des conseils aux malades sous formes d’encouragements ou de consolations.

4) 1e siècle

Rufus d’Ephèse s’est intéressé à la mélancolie qu’il a décrite et subdivisée en divers types caractérisés par les différentes localisations et actions de la bile, en en décrivant aussi d’autres formes délirantes. Pour ce qui concerne les thérapies, il donnait des règles hygiéniques et diététiques, la saignée, la purge à base de cuscute et d’aloès.

Soranus d’Ephèse s’est lui aussi occupé de la mélancolie: suivant la doctrine du solide, il l’attribuait à un resserrement des fibres constituant le corps humain. Il a décrit les principaux symptômes de la maladie:

-tristesse silencieuse avec pleurs non justifiés, angoisses, états de

-prostration,

-troubles gastriques,

-animosité envers les parents.

Ainsi, il conseillait surtout des cataplasmes à appliquer dans la région épigastrique ou sur le dos au niveau des omoplates; il ne négligeait pas non plus les prescriptions de type psychologico comportemental : il conseillait à la famille de faire assister le malade à des comédies joyeuses, de l’occuper à des passe-temps qui tiendraient son esprit en éveil, de témoigner de l’intérêt et de l’admiration pour ce qu’il réussissait à faire.

5) 2e siècle

Arétée de Cappadoce prescrivait des médicaments purgatifs et cholagogues qui facilitent l'évacuation de la bile noire ; il conseillait aussi des bains dans de l’eau contenant entre autres ces substances : bitume, soufre et alun. Il affirmait que cette maladie pouvait guérir complètement ou se représenter encore après plusieurs années.

6) Cas de l’Eglise

Les Pères de l’Église acceptèrent en règle générale l’explication Galien (130-200 après J-C) sur la cause de la mélancolie : la bile.

Il conseillait aux malades un régime hygiéno-diététique: celui-ci devait éviter, par exemple, les aliments qui appelleraient le noir et l’âcreté de la bile. Il prescrivait des remèdes comme par exemple un mélange de plantain, de mandragore, de fleurs de tilleul et d’opium.

Cependant, ils considéraient la mélancolie comme un péché (par exemple, la paresse). Ainsi, Saint Cassien décrit chez les moines un état favorisé par l’existence solitaire, caractérisé par la tristesse et par l’inquiétude qui les rendait oisifs et incapables de remplir leurs devoirs. En ce cas, la cure la plus adaptée pouvait être un acte de pénitence ou une punition correctrice. Pour prévenir ce péché de paresse, on conseillait de chasser l’oisiveté par le travail, surtout par des activités exigeant davantage d’engagement et d’effort.

La mélancolie, qui donnait fréquemment l’impression de haïr la vie elle-même et de se méfier de la miséricorde divine, reflétait une attitude répréhensible pour tout bon Chrétien. De plus, la personne déprimée, absorbée par ses craintes et ses délires, semblait parfois avoir perdu toute sa raison, ce don divin qui fait la différence entre l’homme et la bête; cette situation pouvait facilement être interprétée comme un signe de la réprobation divine, en raison de son lien avec la condition de pécheur.

7) Apogée de la civilisation arabe : 9e - 11e siècle

Les médecins arabes s’occupèrent aussi du problème de la dépression. Influencés par la doctrine d’Hippocrate et de Galénos, Najab ed din Unhammad décrit en particulier une forme caractérisée par le comportement taciturne et agité, avec des insomnies et de l’antipathie envers ses semblables; il décrit aussi une deuxième forme marquée par la tristesse et l’anxiété; dans les deux cas, il prescrivait des règles d’hygiène et diététiques, des bains et parfois des saignées.

Avicenne s’opposa à l’opinion qui voulait que les symptômes de la dépression dérivent de l’influence des démons, retenant qu’il s’agissait d’une maladie à soigner par des moyens médicaux (à ces patients, il prescrivait par exemple une fleur : l’hypericum).

Jusqu’aux XIIe siècle, les savants prescrivirent toujours une cure par l’hygiène et la diététique tandis que les religieux maintenaient l’intervention d’un démon ; des prêtres jetaient le déprimé à la mer du haut d'une falaise et d'autres prêtres dans une barque le repêchaient. La frayeur a été si grande que le déprimé aurait été guéri de son mal de vivre.

II) Moyen-Age

On utilisait souvent des remèdes ou des pratiques thérapeutiques qui tiraient leur bon renom du fait qu’ils faisaient référence à des médecins célèbres du passé ou bien à des saints protecteurs d’une maladie particulière; parfois aussi, les remèdes étaient prescrits sur la base de croyances magiques ou pour leur lien avec des influences astrales supposées.

III) La Renaissance

On commença à voir la condition dépressive d’un regard différent de celui du Moyen-âge.

Le philosophe Marsilio Ficino, comme l’avait déjà soutenu Aristote, définit la mélancolie et la dépression comme une caractéristique des hommes de génie, compétents dans les arts, dans les sciences et dans la politique. Dans son livre De vita triplici, Ficino propose comme soin de suivre des règles d’hygiène et de diététique, de cultiver la musique.

Plusieurs savants se sont penchés sur la question. On distinguait toujours deux cures :

-par l’hygiène et la diététique

Par exemple, André du Laurens, médecin qui écrivit le Discours des maladies mélancoliques

(1599) conseillait l’inhalation de diverses essences odoriférantes mais également la contemplation de couleurs vives; il recommandait en autre la compagnie et les occupations plaisantes et les médicaments d’origine végétale.

-par le psychisme

Timothy Bright soutenait la présence d’une forme psychique semblable à des angoisses spirituelles. Il conseillait des activités religieuses et psychologiques.

IV) 17e et 18e siècle

Le rôle de la bile noire est remis en cause. Ainsi, plusieurs nouvelles hypothèses ont été formulées :

- Thomas Willis, sous l’influence des attributions médico-chimiques, mettait en cause un excès de salinité du sang capable d’altérer la conformation même du cerveau.

-Thomas Sydenham soulignait, dans l’hypocondrie, la faiblesse du sang que l’on fortifiait par les médicaments adéquats, particulièrement à base de fer.

-Hermann Boerhaave suivant les théories médico-mécaniques, mettait en cause une augmentation des composantes huileuses du sang avec la réduction de l’apport de sang au cerveau et l’appauvrissement des secrétions nerveuses.

-Frédéric Hoffmann attribuait la mélancolie à un spasme de la dure mère avec difficulté pour la circulation du sang dans le cerveau.

-George Cheyne, dans son livre “The English Malady” s’arrête aux causes environnementales de l’hypocondrie dépressive.

A la fin du 18e siècle, la bile noire gardait une certaine importance dans la cause de la mélancolie. Ainsi, on distinguait la “mélancolie humorale” (caractérisée par des troubles digestifs, dus à l’excès de bile pouvant être traité par les produits évacuants) de la

“Mélancolie nerveuse” (caractérisée par des phénomènes convulsifs, dus à la tension des fibres constituant l’organisme qui pouvait être traités par des antispasmodiques, qui consistaient à détendre les spasmes des muscles).

V) 19e siècle

Les aliénistes du début de ce siècle, sous l’influence de la “psychiatrie romantique” qui attribuait à un déséquilibre de l’âme toutes les maladies mentales, eurent recours au “traitement mental”, qui consistait dans un essai de mettre en évidence et de faire disparaître par un traitement pédagogique le noyau délirant repéré chez le patient. On utilisait par exemple la méthode de la “fraude pieuse” (le thérapeute gagnait d’abord la confiance du patient en faisant semblant de partager ses convictions pour mieux les corriger par la suite); on pouvait également procurer au malade des sensations agréables, en alternance avec des sensations désagréables, pour que les premières soient ainsi mises en valeur par rapport aux autres; ou bien on cherchait à provoquer, au cours de ces dernières, des émotions imprévues par des effets de surprise tirés de stimulations sonores et visuelles.

Au milieu du 19e siècle, on utilisait des produits pharmaceutiques comme les purgatifs, les fluidifiants et les digestifs. Les thérapies physiques étaient des immersions dans l’eau, la douche ou la chaise tournante.

Dans la seconde moitié du 19e siècle, on utilisait encore les médicaments déjà connus (arsenic, strychnine, strophante), on avait également recours à de nouveaux produits comme les anesthésiques ou les premiers hypnotiques (fabriqués dans les industries pharmaceutiques). D’autre techniques arrivés en médecine comme le magnétisme animal, l’hypnotisme et l’électrothérapie.

Cependant, de nombreux médecins gardaient encore une attitude attentiste, en se limitant souvent à des règles de prévention et d’aide, prescrivant aux malades les plus agités des voyages de détente ou des cures dans les stations thermales.

VI) 20e siècle

Dans la première moitié du siècle, la psychothérapie (analyse et thérapie du comportement) est un traitement innovateur dans les soins donnés aux dépressifs.

Vers le milieu du 20e siècle, on a commencé à utiliser deux traitements très efficaces contre la dépression:

-l’électroconvulsivothérapie, consistant à provoquer une crise générale au moyen d'un courant électrique administré dans le crâne.

-les psycho médicaments, comme les anti-dépressifs, les “anti-MAO” (inhibiteurs aminooxydase), la benzodiazépine (aux propriétés hypnotiques, anxiolytiques, antiépileptiques, amnésiantes et myorelaxantes), indiquée particulièrement dans la dépression anxieuse, le lithium dans la prévention de la psychose maniacodépressive et au cours des années plus récentes, les anti-dépressifs de deuxième génération (comme les “atypiques” et “sérotoninénergiques”).

Une nouvelle thérapie à été mis au point : la luminothérapie.
Aussi appelée photothérapie, elle est une technique thérapeutique médicale destinée à traiter la dépression hivernale ou dépression saisonnière. Le traitement par la luminothérapie consiste à s’exposer à une lumière blanche disposant d’un agrément médical.